Et après ?

Rédigé le 05/12/2024

Les récentes élections américaines ont confirmé une tendance déjà perceptible dans plusieurs pays occidentaux, quel que soit le type de scrutin : un besoin accru de protectionnisme.
Les conséquences de ces élections outre atlantique pourraient dépasser le cadre de la politique intérieure des USA, avec une remise en question des mécanismes économiques à l’échelle mondiale.
Durant la campagne, le candidat Trump a dévoilé quelques-unes de ses mesures pour répondre aux effets négatifs de la désindustrialisation et ses conséquences sociales : droits de douane visant à encourager la production locale, la réduction des transferts technologiques, la priorité aux entreprises américaines…
Partenaire économique historique des Etats-Unis, l’Europe va devoir réagir. Le projet européen conçu sur le modèle du libre échange et de la libre circulation des biens et des capitaux, inspiré du modèle américain, va se retrouver confronté au retour des frontières économiques.
Cette situation impose à l’union européenne une réponse coordonnée, mais cela s’annonce complexe en raison des règles qui régissent son fonctionnement.
En effet, parvenir à un accord avec 27 Etats membres est un processus long, qui oblige à de nombreux compromis.
Prenons en exemple la situation liée à l’accord de libre échange entre l’UE et les pays du MERCOSUR (Marché commun d’Amérique du Sud) car il met en lumière toute la complexité à se mettre d’accord selon les intérêts de chacun.
Sans entrer dans les détails, il apparaît que le deal ouvert avec le Mercosur, donne l’avantage aux industries européennes de l’automobile et des machines, au détriment d’un secteur agricole européen qui dénonce une concurrence déloyale due à des normes souvent moins strictes, notamment en matière sanitaire. Au-delà des problématiques que cela peut poser en matière de santé publique et d’autonomie alimentaire, cet accord pourrait donner lieu à des frictions entre certains Etats membres car les premières estimations venant de l’union européenne montrent que cet accord serait presque deux fois plus favorable à l’Allemagne (exportation estimée à 15.4 M€) qu’à la France (8.6 M€) ou aux Pays-Bas (6.1 M€), pays traditionnellement agricole.
Voici l’illustration d’un défi auquel sont régulièrement confrontés les États membres, parvenir à un consensus malgré des intérêts souvent divergents.
Mais cela a toujours été le cas me direz vous. Oui ! Cependant, tous les États se trouvent aujourd’hui confrontés à une forte crise économique et sociale. Les tensions ne cessent de s’intensifier, et les citoyens attendent de leurs gouvernements des réponses concrètes à leurs problèmes.
Face à cette situation de crise, la dynamique d’une Amérique protectrice pourrait faire ses adeptes sur notre continent, et la rue pourrait mettre les responsables politiques au devant d’une question essentielle :

Pour résoudre les problèmes internes, faut-il privilégier la défense des intérêts nationaux, au risque de fragiliser l’Union, ou continuer sur la voie du libre-échange, au risque de voir le protectionnisme s’imposer à eux par le vote des citoyens ?
Voici toute la complexité qui se présente aux 27.
D’autant que des situations se sont déjà manifestées au lendemain des élections
américaines, où certains pays se sont mis à parler
en leur nom, pour défendre leurs intérêts. Les valeurs fondamentales, telles que la loyauté et la solidarité, qui sont au cœur du pacte Européen ?
On verra plus tard.
Et quand on parle de solidarité, la France qui est un contributeur net au budget européen, (c’est à-dire qu’elle donne plus qu’elle ne reçoit), aurait
de quoi manifester son mécontentement quand elle voit que des pays européens bénéficiaires commandent des F35.
Nous disposons en Europe d’une industrie du spatial et de la défense qui a besoin de se développer. C’est un enjeu de sécurité et de souveraineté majeur. Il est temps que certains ouvrent les yeux au moment où les intentions belliqueuses se multiplient à l’échelle mondiale.
C’est une position que nous avons faite savoir au ministre délégué à l’industrie Marc Ferracci lors de notre entrevue (voir notre publication du 19/11) du 18 Novembre.
L’adaptation nécessaire ne pourra souffrir d’aucun dogme. La France qui découvre sa situation financière catastrophique a besoin de travail.

Et ce ne sont pas des logiques de travail gratuit (7 h de travail non payé) qui redresseront les comptes publics, mais la création d’emploi et une gestion rigoureuse des dépenses de l’État.
Il nous reste encore quelques secteurs dynamiques en France comme l’industrie, il faut s’inquiéter de leurs difficultés.
Nous devons bâtir ensemble les solutions, nous avons juste besoin de multiplier les interlocuteurs, à l’intérieur comme à l’extérieur, capables de bouger les lignes.
Et si je cherchais à illustrer mon propos, il me suffirait de m’arrêter sur notre industrie aéronautique, qui malgré son carnet de commande bien fourni, ne peut pas se développer en raison d’une fragilité de sa chaîne d’approvisionnement (voir notre dernière publication). Pourtant, nous sommes à un moment clé pour cette dernière.
L’augmentation des cadences est un vrai sujet d’autant qu’elle est vertueuse : d’une part parce qu’elle renforce la création de richesse, tant en valeur qu’en emploi et d’autre part parce qu’elle permet de saturer le marché avec les produits Airbus, établissant un standard durable qui renforce notre avantage concurrentiel face aux nouveaux compétiteurs émergents. Et ce n’est qu’un exemple.
Les changements profonds, induits par les élections américaines, pourraient être une fenêtre d’opportunités. Mais pour ça, il va clairement falloir élever notre niveau de jeu et faire tomber certaines croyances. A FO, nous sommes prêts au retour de la prospérité et d’un modèle social qui profite à tous.
Jean Monnet disait “Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise”.
Reste à voir comment ces changements se concrétiseront aux plans national et européen, comment la France parviendra à sortir de sa confusion politique et budgétaire, confirmée par la censure du gouvernement Barnier.
Une chose est certaine, les solutions qui ne seront pas trouvées à l’intérieur nous seront imposées de l’extérieur.

Dominique DELBOUIS

Coordinateur FO Airbus Group

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